J'ai la langue pendante, est-ce normal, docteur ?
Voila comment la première patiente de cette longue journée de vendredi dernier m'invectiva en guise de toute salutation, à huit heures et deux minutes précises !
Je m'empressais donc de rappeller à la malheureuse les quelques règles de base du savoir-vivre et de la préséance qui ont encore heureusement lieu d'être lors de la rencontre entre patient et médecin. Si d'abord cette dame, quoiqu'un peu empressée d'entrer dans le vif du sujet, fit montre d'une légère surprise, elle ne resta interdite qu'une fraction de seconde, et, ressortit de la pièce, ferma la porte de mon bureau, rouvra la porte et dans un sourire, toujours techniquement génée par au-moins 15 centimètre d'une langue épaisse à la couleur rosée tirant sur le kaki, elle me dit :
"bonjour docteur !
J'ai la langue qui pendouille de cette façon horrible, et ça me gène horriblement pour parler !
Sans vous faire part de la réaction des passants dans la rue... "
Et il est vrai que l'état quelque peu inhabituel de l'appendice lingual de cette vieille personne - elle approchait de ses quatre-vingt-dix bougies, me glaça pendant les premières secondes d'observation, mais, bien vite la joie de toucher et de retrouver les sensations du jeune expérimentateur étudiant que j'avais été me ragaillardit, et j'entamais quelques prélèvements, apposais trois sangsues sur cet organe 'de sortie', puis, attisé par la curiosité propre à celui qui découvre des sensations nouvelles, j'entamais une discussion, destinée à éclairer les causes, ou du moins décrire la genèse de cet état des choses visagales.
Madame Pourrière, car c'était elle (!), était vraiment dans tous ses états.
Elle avait senti des choses bizarres dans sa bouches pendant la nuit, mais n'avais pas estimé nécessaire de s'évader des rêves merveilleux dans lesquels tout son inconscient était plongé. Elle y avait rencontré feu-son Edouard, et ils avaient fait l'amour dans une 4L, comme avant que leurs créanciers leur enlèvent voiture et caravane... et le bonheur de revoir son homme, même en rêve, avait été sans égal.
Elle m'expliqua, que de ce fait, elle avait laissé la gène s'amplifier et se transformer en horribles sensations, très douloureuses. Elle avait alors levé la main vers son visage, senti d'un coup comme un poids qui disparaissait de son ventre, lui permettant de mieux respirer, puis dans un geste, enlevé le chiffon serré qui lui servait de masque de nuit.
Revenant de ses songes, elle avait mis peu de temps à faire le bilan de son état : sa langue était 'bloquée' dans une position hautement inconfortable, c'est à dire : inerte et pendante ; elle semblée échouée sur sa joue !
Le tintement du minuteur de mon micro-onde médical l'interrompat, et j'en profitais pour aller voir à quoi ressemble le morceau de langue prélevé et accomodé à ma façon avant une cuisson rapide mais adaptée. Après une analyse rapide : ouverture des chairs, test de réactions à une solution fortement glycogénée de purée de sollanacées, test aux baies de madagascar, test salin et enfin test poivrin, je me resolvais à goûter à ce morceau !
La conclusion fût sans appel : la viande, bien qu'un peu nerveuse et souffrant d'un mauvais arrière-goût de noisette, était resté tendre ! Je ne fis donc pas durer le suspens plus longtemps et m'empressai de présenter mon diagnostic à madame Pourrière : A mon avis, un des clochards affamés de l'hospice ayant précédemment vu la taille avantageuse de la langue de madame Pourrière aurait essayé de la lui arracher avec une espèce de pince, un peu comme celle des maréchaux ferrands - d'où la présence kaki des rouilles d'un vieil outil, afin de s'en faire un steack !
Et malheureusement, le malfaisant avait tant et tant tiré sur l'appendice de ma patiente qu'il l'en avait extirpé définitivement.
Je lui conseillais donc de me faire confiance et de me laisser intervenir : en sectionnant la partie génante de son organe bucal, je pourrais lui permettre de retrouver un usage normal de sa bouche le plus tôt possible.
L'opération se passa sans accrocs, et ma patiente fût promptement rétablie. Affamée elle aussi, elle ne voulut point, hélas, me faire don de la partie enlevée, se promettant de s'en faire un repas... Je la convins donc de payer de sa personne mes honoraires ainsi que tous les frais adjacents à ce genre d'opération chirurgicale.
C'est pourquoi Padré me trouva l'esprit ailleurs, ce jeudi, et que ses petites hémorroïdes ne furent pas exactement le sujet de toute mon attention, enfiévré que j'étais de rassembler et d'ingurgiter le plus d'anti-syphillis et autres médications anti-mst possibles.
Padré j'essaierai d'être plus à ton écoute la prochaine fois... Après trois jours de lit sous antibiotiques et quelques douches à l'acide, je suis désormais rétabli et vous annonce la réouverture de mon cabinet.
Tschuss , mes petits patients !
ce qui me fait penser aux pseudos suivants :
Lucas binet
Jérome Itoussa-Assaplas (pseudo grec)
Pénélope
Voilà, à plus tard !