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  • Un mois d'août jaune soleil

     

    Chers amis l’été prend fin. La température s’est déjà mise à baisser, presque imperceptiblement, certes, mais une petite liquette est désormais de mise pour qui veut se promener la nuit venue. Les vertes feuilles de la belle saison s’éclaircissent et pour beaucoup l’excitation ou l’angoisse de la rentrée  n’est plus qu’un souvenir.

     

    Mais cet été a été riche en aventures. Il a aussi été placé sous le signe de l’ouverture pour vos docteurs préférés puisque l’offre du cabinet s’est étendue à des actions d’un caractère nouveau.

    En effet les quotidiennes consultations qui font depuis longtemps la renommée de notre établissement nous confrontaient d'habitude à des cas relevant d’une médecine  plus ou moins douce mais néanmoins toujours issue des sciences traditionnelles occidentales, de la médecine chinoise ou de la psychiatrie, du chamanisme ou de la sorcellerie, du magnétisme ou de la triperie.

     

    Cependant quelques cas hors du commun  nous ont amenés à livrer avec un certain succès néanmoins, des prestations à caractère social voire humanitaire qui relèveraient plutôt du pôle emploi ou de la D.I.S.S. des Hauts-de-Seine.

     

    Début août, Marie-Lou, 88 ans et plus aucune dent, s'est présentée toute échevelée, une blouse à la couleur indéterminée - entourée d’un halo de vapeurs de sueur aigre, pour seul vêtement. Je peux vous l’avouer maintenant, cette vieille personne nous a émus, Gérard et moi, lors du récit de son histoire récente. Elle venait tout juste de s’enfuir de l’institution de fin de vie dans laquelle ses enfants l’avaient placée quelques années plus tôt. Depuis un changement de direction ce lieu d’accueil avait été soumis à de nombreuses restrictions budgétaires entrainant peu à peu une dégradation des chambres et du matériel de soins, le remplacement d’aide-soignant confirmés au profit d’intérimaires habituellement missionnés sur des activités d’équarrissage en zone extra-urbaine. 

     

    Continuellement humiliée par ce nouveau personnel moins soucieux d’assister les pensionnaires dans leur vie quotidienne que de tenter de soustraire leurs maigres pécules afin de les risquer sur des sites de poker en ligne, Marie-Lou avait tenté de se rebeller. Mais pour calmer les velléités subversives de cette courageuse dame, le directeur l’avait punie en la faisant attacher  la tête en bas pendant  dix heures chaque jour, ne la libérant que pour la nourrir uniquement de choux de Bruxelles. Profitant un jour de la baisse d’attention de son geôlier causé par un full aux dames par les huit elle réussit à s’enfuir par le circuit des eaux usées de la maison de retraite.  

     

    C’est donc une dame anéantie, abandonnée des siens et sans ressources que nous avons accueillie au Cabinet Pangloss et Petiot ™.   Nous nous sommes trouvés alors face aux questions suivantes : Comment l’aider ? Comment lui rendre le goût de la vie ? Comment la réinsérer dans le monde du travail afin que par une activité qui lui corresponde elle retrouve sa place, sa dignité mais aussi les moyens de subvenir à ses besoins et accessoirement de payer nos honoraires ?

    C’est alors que nous est revenu à l’esprit qu’une population bigarrée et haute en couleur d’hommes d’âge mûr désœuvrés par la rudesse et la solitude afférentes à leur emploi de chauffeur routier avait depuis quelques temps rempli la salle d’attente.

    Ces hommes aux manières parfois surprenantes, au bras droit bronzé et aux mains calleuses s’étaient plutôt révélés bons dans l’ensemble, le cœur toujours tendre et si de nombreuses raisons les avaient amenés dans notre institution elles n’étaient pour la plupart que prétextes à venir s’épancher, évoquer une vie solitaire trop souvent difficile à supporter au quotidien.

     

    C’est donc dans un esprit de happy end thérapeutique pour tous ces patients conjugué à une résurrection de notre octogénaire édentée Marie-Lou, que nous décidâmes après nous être concertés mon confrère et moi-même de retrousser nos manches et, une fois n’est pas coutume, de partir en voiture pour Tain-l’Hermitage la fabuleuse. Ayant fait l’acquisition de tout le matériel nécessaire chez le Point P. le plus proche nous nous mîmes au travail, à l'élaboration et la construction d'une de ces fameuses cabanes percées, sur la zone de repos des voyageurs empruntant la grand’ route européenne numéro 15.

     

    Une semaine plus tard, opérationnelle et souriante, Marie-Lou était installée à son nouveau poste de travail. Les premiers jours ne furent pas toujours faciles, comme elle nous le fit savoir par la suite,  mais vaille que vaille elle se mit d’arrache pied à la tâche et finit par assez vite prendre ses marques.

     

    Elle nous a d'ailleurs récemment fait parvenir cette charmante lettre :

     

    Chers docteurs,

    Je ne sais comment vous remercier pour tout ce que vous avez fait. La révolution que vous avez opérée dans ma vie a bouleversé les plans cruels de mes enfants ingrats qui n’attendaient que mon décès pour vendre ma bicoque et dilapider mon mince patrimoine.

    J’ai pu m’affranchir, me libérer de la détention odieuse que m'imposaient les tenanciers du mouroir dans lequel je croupissais.

    Je suis une autre femme désormais.

    Je revis tout simplement, et vous en serai éternellement reconnaissante.

    Encore un grand merci.

     

    Et si à l’occasion vous prenez l’E15 pour descendre dans le sud de la France, passez Chez Malou je serai assurément dans mon glory hole d’autoroute.

     

    A bientôt,

     

    Votre dévouée Malou

     

     

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    Et c’est en dépensant les symboliques honoraires perçus de Marie-Lou, que nous pûmes avec Gérard, redécorer  le hall du cabinet.

     

     

     

     

     

     

    Marcel Petiot